Compte Utilisateur

Audios



Souscription

MERCI

Le groupe

Directeur de publication
· Elh Gorgui W NDOYE

Rédacteur en chef
· Elh Gorgui W NDOYE

Comité de Rédaction
· El hadji DIOUF
· Papa Djadji Guèye ·

Responsable Informatique
· Alassane DIOP

Responsable Gestion
· Cécile QUAN

Webmaster
· REDACTION

Contact

Adresse
   Salle de Presse
   N0 1 Box 35
   8, Avenue de la
   Paix Palais des Nations Unies
   1211- Genève 10 Genève Suisse.
Téléphones

   +41 22 917 37 89
   +41 76 446 86 04

Service

Publicités, Abonnements et Souscriptions

Téléphone
· Suisse:
   +41(22)917 37-89
   +41(76)446-86-04

Ou envoyez un courriel à Info@ContinentPremier.com

Un tel point de vue véhicule à l’évidence des préjugés, dont l’un des plus connus et qui cause tant de dégâts, est le préjugé ethnique. En Afrique, quel que soit l’Etat, quand il y a une guerre, on dit que c’est une guerre ethnique. Pour l’Afrique, on prend en permanence ce type de raccourci en évitant de trouver des vecteurs d’analyse plus juste.

Anne-Cécile Robert

L’Afrique, parmi l’ensemble des continents est celui qui subit le plus de préjugés, d’où le besoin d’avoir toujours une discussion sur l’image de ce continent. J’aimerais vous parler d’une Afrique virtuelle qui est celle des journalistes occidentaux. 70% des émissions de télévision dans les pays du sud sont produites par les pays occidentaux. Et ce qui se dit sur l’Afrique dans ces pays-là a forcément des conséquences, des résonances. Je commencerai par une anecdote : il y a quelques temps j’ai vu sur la chaîne américaine CNN, une chaîne de télévision américaine, une émission qui s’appelle « Inside Africa » que l’on pourrait traduire « A l’intérieur de l’Afrique », ou « vue d’Afrique ». Dans cette émission, on interviewait Bob Geldof, un Anglais qui organise des concerts humanitaires. C’est quelque chose de très typique : « Inside Africa » est ainsi « un Blanc qui fait de l’humanitaire en Afrique et qui va parler pendant des minutes de l’Afrique». En fait, dans les médias occidentaux tout est souvent comme ça alors que nous, journalistes occidentaux, prétendons nous être débarrassés des préjugés qu’on inflige à l’Afrique ; on prétend livrer une information objective. Sur la plupart des sujets on s’aperçoit que les médias occidentaux traitent l’Afrique, quand ils s’en occupent (ce qui n’est pas toujours le cas), du point de vue des occidentaux, y compris quand il y a des évènements très graves. Un exemple emblématique : le génocide au Rwanda. Un journaliste d’une chaîne de télévision française, France 2 raconte que son directeur d’antenne lui a dit : « Bon, tu vas au Rwanda, tu traites l’évacuation des Belges et tu rentres. Les Africains qui se tapent dessus, ça n’intéresse personne ». Ainsi, un événement aussi énorme que le génocide au Rwanda est traité, vu et analysé sous l’angle de ce qui arrive à des Blancs en Afrique. On remarque que cette mécanique-là se retrouve partout, dans tous domaines. Sur les questions économiques, c’est la même chose. Les médias occidentaux vont donner la vision de l’Afrique vue par la Banque Mondiale ou par l’Union Européenne. Mais, l’idée qu’il puisse y avoir un capitalisme africain avec des entrepreneurs africains intéresserait très peu les médias occidentaux, alors qu’il y a un capitalisme africain, ne serait-ce que le cas de l’Afrique du Sud. Mais, on traite les questions économiques toujours du même point de vue. Il ne s’agit pas de peindre en rose ce qui se passe en Afrique sur le plan économique, mais il y a toujours plusieurs manières d’aborder une situation, si difficile soit-elle. Et la situation économique en Afrique est effectivement très difficile. Cela n’empêche qu’on l’interprèter de différentes manières.

Ainsi, c’est le point de vue de l’observateur occidental et des médias occidentaux qui prévaut. Or un tel point de vue véhicule à l’évidence des préjugés, dont l’un des plus connus et qui cause autant de dégâts, c’est le préjugé ethnique.

En Afrique, quel que soit l’Etat quand il y a une guerre, on dit que c’est une guerre ethnique. Il peut y avoir une dimension ethnique certes, mais souvent on s’aperçoit que les conflits en Afrique ont des causes politiques, économiques et pas du tout ethniques. Si l’on prend même le cas du génocide au Rwanda, des études sont paruesmontrant qu’il y avait derrière cela une lutte pour le pouvoir et que le génocide a été un instrument politique. Mais les médias occidentaux, au lieu de faire une analyse politique des événements, disent que c’est une guerre tribale, une guerre ethnique, et s’interdisent d’aller regarder s’il n y a pas des dimensions économiques ou politiques. De même pour la Côte - d’Ivoire, on a vite fait de transformer le problème en conflit ethnique, mais c’est un conflit qui a une dimension politique et économique. Et tout est toujours comme ça. Pour prendre un exemple que les européens connaissent bien, imaginez si on traitait le problème de l’Irlande du Nord en disant que c’est une guerre tribale ou si on disait que la guerre de 39/45 était une guerre tribale. Pour l’Afrique, on prend en permanence ce type de raccourci en évitant de trouver des vecteurs d’analyse plus juste. C’est le propre des médias français, mais les médias américains aussi sont dans la même mouvance. A ce titre, il y a un livre qui est paru il n’y a pas longtemps, celui d’un journaliste américain du nom de Victor French livre qui s’appelle Continent for the taking qui décrit son expérience de journaliste en Afrique et déclare : « il est très difficile dans nos médias (il travaille pour le New York Times, je crois) de développer des analyses sérieuses sur l’Afrique parce qu’on nous demande toujours d’utiliser des prismes simplistes comme le prisme ethnique ». Du coup, ça alimente les incompréhensions. Comment voulez-vous comprendre ce qui se passe en Afrique si vous ne faites pas l’effort d’aller au-devant de l’information, de décrypter les évènements ? Donc, il y a une sorte de refus de comprendre qui donne de l’Afrique une image complètement chaotique. On perpétue de l’Afrique cette image de gens qui n’arrivent pas à s’entendre, qui sont tout le temps en conflit, en évitant de chercher des causes qui permettraient de comprendre cette situation. Par exemple, l’une des causes qu’on analyse très peu, c’est le rôle de la domination économique, par exemple, des firmes du Nord sur l’Afrique dans la désagrégation, la décomposition de certains pays, Il est bien évident que l’intervention de certaines firmes, certaines entreprises, l’ingérence politique de certains pays du nord provoquent ou entretiennent des conflits. Et on sait très bien que des pays comme la France, la Belgique, le Royaume-Uni, se permettent encore maintenant, même si c’est moins vrai pour la Belgique, d’intervenir dans les affaires intérieures des pays africains et peut-être d’entretenir des conflits. C’est un ensemble de questions que je me pose. Prenons un exemple illustratif dans le passé : ce sont bien les Occidentaux qui ont installé Mobutu au détriment de Lumumba au Congo-Zaïre. Et on savait très bien qu’en choisissant Mobutu, il y’aurait des conséquences économiques, sociales et éventuellement pour la géopolitique de la région. Et ces choses-là continuent.

On pourrait multiplier les exemples de cette déformation de l’image de l’Afrique par les médias occidentaux, mais j’aimerais m’interroger sur les raisons de cette déformation. Les journalistes occidentaux ne sont pas des gens forcément malveillants. Il y a des gens tout à fait honnêtes qui vont travailler en Afrique et qui, pourtant, continuent de véhiculer des préjugés sur le continent africain. Il y a sans doute beaucoup de raisons à ça. : la première est qu’il y a une crise du journalisme en Occident, c’est-à-dire qu’une tradition du grand journalisme d’investigation, du journalisme de reportage disparaît. On voit à la télévision, dans la presse écrite des gens qui, un jour sont à Grozni, le lendemain, à Lagos, après ils vont être au Vénézuela. Ces reporters passent d’un pays à l’autre. Dans ces conditions, comment peuvent-ils nous expliquer ce qui se passe dans ces pays ? Ils n’ont pas le temps et les moyens d’acquérir la connaissance ou la formation nécessaires, s’ils passent d’un pays à l’autre du jour au lendemain? Dans le passé, des journalistes faisaient toute leur carrière dans un pays ou sur un continent et pouvaient acquérir de vraies connaissances sur ce continent. Ce qui leur permettait d’en parler avec une certaine autorité. Cette tradition-là disparaît. Elle demeure dans des journalistes comme Collette Braeckman, du journal « Le Soir » de Bruxelles. Et du coup, il y a des erreurs monstrueuses. Par exemple la télévision française au moment du génocide au Rwanda, nous a montré des chaînes de réfugiés, des gens qui fuyaient, qui avaient l’air malheureux, affamés. On s’est dit en les voyant : « c’est affreux ». Or, il s’est révélé que c’étaient des criminels en fuite. Ces colonnes de réfugiés sur lesquels on nous faisait pleurer étaient en fait des assassins qui fuyaient devant l’armée du Front Patriotique Rwandais. Et ce genre d’erreurs, il y en a à la pelle parce que l’on ne peut pas parler d’un pays si l’on y débarque la veille et que l’on en repart le lendemain. Il y a ainsi une crise de la tradition journalistique. A cela s’ajoute une crise de la déontologie professionnelle car on ne vérifie pas assez les choses. Il existe aussi une marchandisation de l’information. On considère qu’il faut aller vite et on ne prend pas le temps d’aller chercher l’information. Pour l’Afrique, c’est catastrophique parce que les médias occidentaux partent du principe que l’Afrique, ça ne se vend pas et que ça n’intéresse personne. A partir de là, ils ne vont pas y chercher l’information. C’est donc toute une mécanique qui se met en place et qui entretient des images désastreuses de l’Afrique au profit de visions simplistes : l’humanitaire, le tribalisme…Tout cela éloigne d’une vision qui se rapprocherait d’une certaine vérité du continent.