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 Amb. Dagmar Tartagli
 Jean Claude Buhrer
 Nations Unies Geneve
 U.Européenne
 Université de Genève

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Jean-Claude Buhrer, ancien correspondant à l’ONU du « Monde » et ami du Dalai Lama : « Il sera difficile à la Chine de trouver un interlocuteur plus ouvert et respecté que l'actuel Dalaï-Lama pour sortir de l'impasse sur le Tibet ».

 Le 6 juillet prochain, Tenzin Gyatso, le 14ème Dalaï Lama aura 81 ans. Prix Nobel de la Paix, figure religieuse mondialement connu, il force le respect pour son charisme et la sagesse profonde de ses discours sur l’humain. ContinentPremier l’avait rencontré à l’occasion d’une conférence inédite co-organisé par les Etats-Unis et le Canada à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève où le guide religieux intervenait autour du rôle de la société civile pour l’avénement d’une paix mondiale durable en compagnie Tawakkol Abdel-Salam Karman journaliste yéménite et l’avocate iranienne Leila Alikarami  également Prix Nobel de la paix.  Ce jour-là, dans l’immense foule, le Dalai Lama que je suis allé saluer aperçut de loin Jean-Claude Buhrer, lui fit signe de la main, alors que ce dernier arrivait le patriarche me révéla en anglais : «  C’est un vieil ami ». Qui mieux que ce journaliste dont l’épouse Claude B. Levenson décédée a consacré une longue partie de sa carrière au Tibet pour nous parler de la vision et de l’influence du 14ème Dalai Lama. (Rencontres).

 

ContinentPremier.Com : Le Dalai Lama a renoncé à la lutte politique.  Il ne demande pas la séparation du Tibet. Pensez-vous que la Chine va enfin dialoguer sérieusement avec le guide spirituel tibétain?

"Pékin se montre intraitable et table sur la disparition du Dalaï-Lama pour renforcer sa main-mise sur le Tibet. Le pouvoir athée de Chine a même la prétention de désigner les réincarnations des grands lamas tibétains comme le stipule une nouvelle réglementation en vue d'imposer un successeur du Dalaï-Lama qui lui soit soumis. Or, pour dialoguer il faut être deux, et il lui sera difficile de trouver un interlocuteur plus ouvert et respecté que l'actuel Dalaï-Lama pour sortir de l'impasse autrement que par la force et la politique du tout ou rien. Les contacts patiemment ébauchés entre émissaires du Dalaï-Lama et représentants chinois n'ont donné aucun résultat et sont au point mort depuis 2010 alors que le temps presse si l'on ne veut pas assister à la "solution finale" de la question tibétaine. Déjà près de 150 Tibétains se sont immolés par le feu en signe de désespoir, la région dite autonome vient d'être à nouveau fermée aux étrangers ce mois-ci et le drame silencieux du Tibet se poursuit en vase clos dans l'indifférence de la communauté internationale. Une solution raisonnable tenant compte des intérêts des deux parties devrait pouvoir être trouvée avant qu'il ne soit trop tard. Le Dalaï-Lama plaide pour une autonomie authentique reconnaissant les droits culturels et religieux, la langue et les traditions des Tibétains. Autant par esprit de conciliation que par réalisme il a renoncé à l'indépendance dans un monde de plus en plus interdépendant. "Que signifie l'indépendance au jour d'aujourd'hui ? Quel est le pays qui peut se prétendre vraiment indépendant?", s'interrogeait-il devant nous il y a une dizaine d'années. Déjà il était en avance sur son temps et ses propos de sagesse demeurent plus que jamais actualité."

Quelle est l'influence du Dalaï-Lama sur le Tibet et sur le monde moderne de manière plus générale?


"Aujourd'hui peut-être encore plus qu'hier, le Dalaï-Lama reste omniprésent au Tibet et la Chine n'y peut rien. Déjà lors de notre premier voyage sur le Toit du monde en 1984 nous en avions été témoins. Malgré l'occupation depuis les années 1950, les dégâts de la révolution culturelle et la destruction du patrimoine Tibétain, le grand absent depuis son exil en Inde en 1959 était toujours bien là et ce n'est pas un hasard si Pékin vient d'interdire ses portraits et de punir leurs possesseurs, même dans des régions tibétaines incorporées dans des provinces chinoises où ils étaient tolérés. La propagande officielle à beau l'insulter à qui mieux-mieux, le Dalaï-Lama ne tombe pas à ce niveau et n'a jamais eu le moindre mot blessant pour les Chinois qu'il considère comme des frères et à sœurs. Et au Tibet il est d'autant plus incontournable qu'il continue d'incarner les espoirs bridés de tout un peuple.

Par son ouverture d'esprit et son message d'apaisement, ce n'est pas par hasard qu'il est devenu l'une des personnalités les plus populaires de l'époque. Il ne prétend pas détenir la vérité et ce qu'il dit doit être expérimenté pour être valable. Insistant sur la responsabilité individuelle, il estime que "chacun est responsable de sa vie envers lui-même et les autres". Ou encore : "Le nirvâna peut attendre. C'est ici et maintenant qu'il faut déterminer ses choix selon ses aspirations et ses possibilités." Alors, qui a peur du Dalaï-Lama? On l'écoute, mais l'entend-on? »

Comment expliquez-vous le charisme du Dalai-lama,  que représente –t-il pour vous?

"C'est un homme libre, habitué du parler vrai, qui dit ce qu'il pense sans s'embarrasser de circonlocutions, ce qui peut détoner voire déranger dans le monde d'aujourd'hui. De toutes les personnalités que j'ai rencontrées dans ma carrière de journaliste à travers le monde, c'est sans doute celle qui m'a le plus impressionné tant par sa constance dans sa trajectoire que par ses qualités humaines et morales. En 1954, âgé de 19 ans à peine il avait côtoyé Mao à Pékin au début de l'invasion chinoise, puis Nehru à son arrivée en Inde après le soulèvement de Lhassa en 1959, les autres passent tandis que le Dalaï-Lama reste par son exemple. Lui qui a beaucoup perdu -son pays et son pouvoir- s'est forgé dans l'adversité de l'exil et par son propre rayonnement une stature à nulle autre pareille. Un être d'exception certes, mais qui se veut semblable aux autres et se considère comme un simple moine parmi les sept milliards d'habitants de la planète. Depuis notre première rencontre en 1981 à Paris avec une poignée de journalistes et ma défunte épouse Claude B. Levenson qui deviendra sa biographe, le Dalaï-Lama poursuit inlassablement son bonhomme de chemin. En 1989, l'attribution du Prix Nobel lui a donné une aura internationale au grand dam de Pékin qui s'obstine à multiplier les pressions voire les menaces pour empêcher tout contact avec lui et ostraciser ce "séparatiste" alors que lui-même ne réclame qu'une authentique autonomie pour le Tibet et non plus l'indépendance. D'ailleurs, depuis son exil en 1959, il s'est attaché à démocratiser et à laïciser la société tibétaine pour préparer son pays à entrer dans le monde moderne. Ainsi, en 2011 a-t-il renoncé à son rôle politique et un civil a été élu Premier ministre par la communauté tibétaine en exil. Aujourd'hui il se montre également prêt à renoncer à son pouvoir spirituel. "Alors que le bouddhisme au Tibet remonte au huitième siècle, dit-il, l'institution du dalaï-lama a été créée au seizième siècle à une époque féodale. On peut s'en passer car nous vivons à l'ère de la démocratie et il faut changer les mentalités." Malgré le durcissement observable au Tibet et en Chine même, le Dalaï-lama ne désespère pas. Il voit un signe positif dans ses échanges personnels avec de simples citoyens chinois qui viennent le voir et dans l'intérêt que rencontre aujourd'hui en Chine le bouddhisme tibétain."

NB : Pour en savoir plus, se référer à "Ainsi parle le Dalaï-Lama" de Claude B. Levenson, fruit d'une trentaine d'années de conversations avec l'auteur, éditions Albin Michel, 2015.

Photos: ContinentPremier.Com. Sur la deuxième le Dalai Lama et son ami notre collègue Jean Claude Buhrer.

Propos recueillis, à Genève, par El hadji Gorgui Wade NDOYE. Directeur des publications.