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Débarquement en Province: La vérité sur une histoire partagée !

Publié le, 15 septembre 2014 par Professeur Iba Der THIAM

Le 70e anniversaire du débarquement des Alliés en Provence, qui a eu lieu le 15 Août 1944, a été célébré, alors le peuple de France et les peuples d’Afrique, dans leur écrasante majorité, ne connaissent toujours pas, dans le menu détail, le rôle  que notre continent a joué dans la libération de la France sous occupation étrangère.

Jusqu’à présent, aucun effort significatif n’a vraiment été entrepris, pour que soit mentionnée dans les livres d’Histoire et dans les curricula de formation citoyenne,  la part considérable, que les Armées d’Afrique ont prise dans la défaite du militarisme japonais, du fascisme italien et du nazisme allemand.

Si n’importe quel Français, Britannique, Belge ou citoyen d’un pays nordique peut récapituler,  presque par cœur, tout ce qui s’est passé le 6 Juin 1944, sur les plages de Normandie, on ne peut pas en dire autant de ce qui s’est déroulé le 15 Août 1944, sur les plages de Provence.

Et pourtant, ce fut là, que se joua vraiment l’issue de la seconde guerre mondiale et que se dessina, de manière irréversible, la défaite des pays de l’Axe.

Tirant les leçons de la nouvelle carte de l’Europe, que la seconde guerre mondiale venait de dessiner, Sir Wilson Churchill, Ex-Premier Ministre  de Sa Majesté britannique, avait articulé, au cours d’une conférence faite en 1946, dans le Missouri, à Fulton, au Westminster College, le concept de « rideau de fer », pour attirer l’attention sur ce qu’il considérait comme l’expansion inquiétante du Communisme en Europe, après la grande révolution de 1917 et les succès que l’Armée Rouge  et ses Alliés avaient remportés sur les champs de bataille. Lui emboitant le pas, le Président Henri Truman, qui avait remplacé le Démocrate Roosevelt, avait, lui aussi, mentionné qu’il faudrait soutenir tous les pays qu’il qualifiait pour la première fois, de « pays libres » dans les efforts qu’ils déployaient pour ne pas  succomber aux entreprises développées à l’échelle mondiale par le Communisme international au service, selon lui,  de Moscou.

C’était en 1947. Le concept de « Monde Libre » venait de prendre officiellement forme. Mais, lorsqu’on interroge, aujourd’hui, les ressortissants des pays alliés sur les vrais acteurs, dont les sacrifices ont permis l’avènement de ce Monde dit Libre, qui fait la fierté de l’Occident, ils ne citent parmi les auteurs de cet évènement historique, que les pays européens et, tout au plus, le Canada, la Nouvelle Zélande, l’Australie, pour faire bonne mesure, sans jamais faire référence aux pays africains, alors qu’ils comptent, indubitablement, parmi les bâtisseurs de ce qu’on appelle « Le Monde Libre ».

Voilà pourquoi, il est indispensable de rappeler que, si dans son fameux discours du 18 Juin 1940, le Général De Gaulle avait ostensiblement proclamé, 3 fois de suite : « La France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste empire derrière elle », il ne fait aucun doute que c’était au continent africain qu’il pensait, d’abord et avant tout.

Les Antilles et la Guyane n’étaient pas des réservoirs humains et n’avaient plus, malgré leur patriotisme et leur courage, une tradition guerrière attestée par l’Histoire, après les effets dévastateurs de la traite négrière sur leurs mentalités.

Au demeurant, il y avait entre elles et l’Europe, « l’épaisseur de l’Atlantique », pour parler comme Pierre Chaunu, dans un contexte où la guerre navale et sous-marine battait son plein.

Certes, l’Indochine, toute seule, était près de 3 fois plus peuplée que les 8 colonies composant l’AOF, mais elle était lointaine et surtout incertaine.

De Gaulle confirme, lui-même, dans ses Mémoires de guerre que : « Dans les vastes étendues de l’Afrique, la France pouvait se refaire une Armée et une souveraineté », parce que le continent africain n’était séparé de l’Europe, que par les péninsules ibérique, italienne et balkanique  et qu’il  constituait, comme tel,  une excellente base de départ pour  pénétrer à l’intérieur de celle-ci.

Plus rares encore sont les personnes qui savent que, quelques jours avant le 18 Juin,  le 16 Juin précisément,  Galandou Diouf, Député du Sénégal, Gratien Candace, Député de la Guadeloupe et Maurice Santineau, avaient adressé au Président de la République française, réfugié à Bordeaux, une requête qui était un acte de foi en l’avenir de la France ; la France qu’ils considéraient comme leur mère-patrie. Dans cette, requête, se faisant l’écho des opinions exprimées par Alpha Bâ de Saint-Louis, Président des Anciens Combattants, l’Amicale des Instituteurs du Sénégal, les Elèves de l’Ecole Normale William Ponty, l’Instituteur Mamadou Dia, les Chefs de Canton Demba War Sall, Thiendella Fall et Bouna Ndiaye, Abdel Clédor Diagne  et d’autres patriotes sénégalais, ils proclamaient publiquement leur volonté de refuser toute forme de capitulation après l’effondrement des Armées françaises et se déclaraient, tous, prêts à continuer la guerre, pour vaincre ou mourir.

Les populations africaines et françaises doivent savoir que ce sont des thématiques proches de celles-là, que le Général De Gaulle a employées dans son Appel historique du 18 Juin 1940.

Dans les faits, lorsque l’homme du 18 Juin décida de quitter l’Angleterre pour doter la France d’une base territoriale susceptible de lui conférer une légitimité incontestable et la France Libre, d’une capitale autre que la Grande-Bretagne, ce fut, concrètement, à l’Afrique qu’il s’adressa. 

N’a-t-il pas porté son dévolu sur le Sénégal, où les Français étaient présents depuis 1659 ? On connait la tentative avortée de débarquement à Dakar  en Septembre 1940, le refus du Gouverneur Général Boisson de l’accueillir, les combats aéronavals  qui s’en suivirent, avec  leur bilan de 471 victimes et la décision du Général De Gaulle, après cet échec douloureux de faire de Brazzaville, la capitale de la France Libre.

Ce fut, en effet, de Brazzaville, que furent datées, le 27 Octobre 1940, l’Ordonnance N°1, portant constitution du Conseil de Défense de l’Empire et l’Ordonnance N°2, portant composition de celui-ci.

Mais, ce fut surtout de l’AEF, du Tchad précisément, que lui parvint le soutien stratégique du Gouverneur Félix Eboué, Guyanais de son état, donc, originaire d’Afrique. Ce fut là, que naquirent, les prémices de la reconquête de la France occupée.

Voilà pourquoi, le Général De Gaulle note, lui-même que : « Brazzaville a été, pendant de terribles années, le refuge de notre honneur et de notre indépendance et… restera l’exemple du plus méritoire effort français ».

Ce fut toujours d’Afrique Equatoriale, que partirent, après 1940, les forces qui engagèrent la bataille du désert en Libye, à Bir-Hakem, El Alamein, Tobrouk, Koufra ; Koufra,  où la 2e Division Blindée, partie du Tchad, fit le serment de libérer Paris et Strasbourg de la domination étrangère,  quel qu’en soit le prix.

On ne dit jamais assez que ce furent sur le sol africain, que se déroulèrent quelques-uns des évènements les plus importants de la seconde guerre mondiale. Non seulement quelques-uns parmi les Généraux les plus illustres des deux camps y  ont opéré : Rommel avec l’Africa Corps, Montgomery, à la tête de la 8e Armée, le Général Leclerc, héros du Fezzan, De Larminat et Koenig, Eisenhower, Delattre de Tassigny et le Général américain Alexander Patch, à la tête d’une armée de 250 000 hommes, mais, ce fut en Afrique, également, que s’étaient réunis, à Anfa, au Maroc, en 1943, Roosevelt, De Gaulle et Churchill, pour aplanir les querelles de leadership opposant les Généraux De Gaulle et Giraud et que De Gaulle eut son premier bain de foule à Fès.

Ce fut, en plus, en Afrique, à Alger, que l’Assemblée  Consultative Provisoire tint sa première séance et qu’a été installé le Comité Français de Libération Nationale.

Ce fut d’Afrique, enfin, que partirent les soldats engagés dans le débarquement  de Provence du 15 Août 1944.  

Et, De Gaulle témoigne, lui-même, qu’« en Juillet 1944, dans les troupes françaises régulièrement constituées et engagées contre l’ennemi, les 2/3 étaient constituées par des Africains ».

Il s’agissait des soldats Nord Africains (Zouaves, Goums, Méharistes du Maroc, de Tunisie, d’Algérie), des soldats d’Afrique au Sud du Sahara (Tirailleurs Sénégalais, appelés, engagés) et d’Afrique Australe.

Ils provenaient, par ordre alphabétique, de l’Afrique du Sud, d’Algérie, du Bénin, du Burkina Faso  actuel, du Cameroun, du Congo, de la Côte d’Ivoire, des Comores, de Djibouti, des Etats-Unis,  du Gabon,  de la Guinée, de la Grande-Bretagne, de Madagascar, du Mali  actuel, du Maroc, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad, du Togo et  de la Tunisie. Ils ont, tous, peu ou prou, participé aux guerres de conquête qui ont donné naissance aux empires coloniaux, dans un contexte de domination et d’oppression (Les Saint-Louisiens ne les traitaient-ils pas de mercenaires ?). Mais, cela ne dispense pas de leur rendre l’hommage qu’ils méritent, car les balles ennemies ne faisaient pas de différence entre Blancs et Noirs dans leur combat contre le nazisme, le fascisme et le militarisme.

Ce sont ces troupes, qui ont participé à la libération de Toulon et de Marseille de l’occupation des pays de l’Axe, libéré la Corse, ouvert la route de Rome aux Britanniques et aux Américains et marché vers Belfort, l’Alsace, le Rhin et le Danube.

Ce débarquement en Provence modifia totalement le déroulement du conflit, puisqu’il permit d’injecter dans la guerre, 900 000 soldats,  170 000 véhicules,  4 millions de tonnes de matériel et 600 avions. Désormais, la défaite de l’Allemagne et de ses Alliés   était devenue inéluctable. La jonction pouvait se faire avec les soldats débarqués en Normandie, depuis le 6 Juin 1944 et la reconquête définitive de la France pouvait être amorcée, avec la 2e Division Blindée, partie du Tchad, composée  de troupes africaines, surtout, qui  avaient fait le serment, je le répète, à dessein, de libérer Strasbourg et Paris.

Ces héros allaient gaillardement tenir leurs promesses, n’eût-été l’ordre qui leur fut donné d’arrêter leur progression fulgurante, afin qu’on procédât au remplacement des troupes noires et maghrébines par des troupes blanches, pour que l’Histoire ne retienne pas que la France impériale avait été libérée  par les ressortissants de ses colonies qu’elle tenait encore sous sa domination. Telle est la stricte vérité.

Voilà pourquoi, l’Académicien humaniste M. Eric Orsenna considère que la France doit  à l’Afrique, une « dette » qu’elle ne devrait jamais oublier.

Elle doit sa libération et son indépendance actuelles, entre autres, au sang versé par nos ancêtres, au nom des valeurs du Monde Libre, que sont la liberté, la démocratie, la souveraineté, l’Etat de droit, la dignité, l’égalité  et la justice.

C’est pour tout cela que la coopération entre le peuple de France  et les peuples d’Afrique ne peut pas être traitée à la légère, ni de manière générale, comme on le ferait avec n’importe quel autre continent. Notre coopération doit être privilégiée. Elle trouve ses fondements dans notre Histoire commune et a été arrosée par le sang de nos ancêtres.

Par le Professeur Iba Der THIAM

Historien

Député à l’Assemblée Nationale du Sénégal