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« Un aumônier aux côtés des patients musulmans ». C’est le titre du reportage consacré à notre compatriote, Omar Seck, par le quotidien genevois qui nous a autorisé gracieusement à reprendre le texte. Un reportage qui sort du lot des articles souvent négatifs consacrés à l’Afrique et aux migrants Africains.

« Omar Seck travaille bénévolement aux HUG depuis près de quinze ans ».

BÉNÉVOLAT • Omar Seck, aumônier aux Hôpitaux universitaires de Genève, offre un soutien spirituel et humain aux patients musulmans ainsi qu’à leur entourage. Il fait aussi le lien avec le personnel soignant.

«Visite les malades!, recommande un hadith (actes et paroles du prophète Mohammed, ndlr), car, pour l’islam, entourer les souffrants est primordial», expose Omar Seck. Affichant la respectabilité, ce Sénégalais de 63 ans vêtu d’un élégant habit traditionnel, arbore une courte barbe blanche. Depuis près de quinze ans, il travaille bénévolement aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) comme aumônier, apportant soutien spirituel et humain aux patients musulmans, mais aussi une aide précieuse au personnel hospitalier. Deux auxiliaires, dont «une sœur, mère de neuf enfants», sont aussi à la tâche pour couvrir l’ensemble des sites hospitaliers, rapporte M. Seck. Lequel est le pilier de l’aumônerie, ajoute Slim Slama.
Ce Tunisien, qui travaille au Service de médecine internationale et humanitaire, a fondé il y a quinze ans l’aumônerie musulmane avec d’autres étudiants en médecine. «Il y avait un besoin à combler pour satisfaire des demandes de patients, de familles ou d’équipes
soignantes», se souvient-il.

Trouver les mots justes

Les aumôniers répondent aux sollicitations ou effectuent des visites de courtoisie. «Par semaine, nous effectuons soixante à septante visites pour un minimum de cent dix patients qui se déclarent musulmans», estime l’aumônier. Il arrive qu’il soit réveillé à 3 heures du matin pour une urgence.

Car, outre la souffrance, l’aumônier côtoie la mort au quotidien. L’accompagnement concerne souvent des cas de fin de vie. Il s’agit alors de trouver les mots justes pour accueillir la douleur ou pour dire l’inacceptable, et le traduire dans un langage culturel audible. De son côté, le personnel bénéficie de l’expertise de l’aumônerie, qui peut le conseiller sur la façon d’aborder l’arrêt d’une assistance thérapeutique avec un patient en fin de vie ou encore s’informer sur certains gestes (in)appropriés.

Cette part de médiation culturelle n’est pas évidente, puisque les populations musulmanes sont très diverses, confie Omar Seck. Mais il s’est formé «sur le tas à l’interculturalité» et à la religion – il n’est pas imam – et peut compter sur trente ans d’expérience.
Père de cinq enfants, il a grandi dans l’islam soufi, majoritaire au Sénégal. Pays qu’il a quitté en 1972 pour effectuer des études en sciences sociales en France. De là, il part pour Bâle où il s’implique dans le monde associatif musulman. «On nous appelait souvent à l’hôpital pour assister des personnes en fin de vie, puis pour effectuer les toilettes mortuaires à la mosquée.» A Zurich, il renforcera encore son implication bénévole au service des communautés musulmanes, côtoyant Ibram Youssef, l’actuel imam de la mosquée du Petit-Saconnex avec qui il a tissé des liens étroits.

La vie mènera ensuite Omar Seck à Genève, où il collabore avec l’ancien porte-parole de la mosquée du Petit-Saconnex Hafid Ouardiri, profitant de son expérience du monde hospitalier et interculturel. A l’époque, il travaille comme contrôleur des fins de série dans l’industrie de la céramique.

«Ma motivation pour le bénévolat est humaine et religieuse. Les prophètes ont enseigné aux croyants d’agir pour le bien de leur communauté, c’est-à-dire l’être humain, et Abraham a voulu faire don de son fils à Dieu. Mon devoir est de connaître l’autre. Je suis heureux quand l’autre est heureux, je souffre quand il souffre. L’autre, c’est mon quotidien.»

Favoriser le vivre-ensemble

Sa tâche requiert une grande sensibilité, explique-t-il. Loin de transmettre des dogmes, il «fait un bout de chemin» avec les patients et leur entourage. «Si on nous demande ce que dit l’islam sur une question médicale – avortement, mort clinique, etc. –, alors nous informons sur l’état de la discussion, mais sans prendre parti car nous ne soutenons ni une idéologie ni un courant de pensée», précise Slim Slama. «La science prime», tranche Omar Seck. Il n’a d’ailleurs jamais assisté à des refus catégoriques motivés par la religion, dit-il. Albert-Luc de Haller, qui fut aumônier protestant aux HUG et souligne l’excellente collaboration avec son homologue musulman, commente: «Il y a des incompréhensions, d’ordre culturel plutôt que religieux, qui pourraient devenir conflictuelles, mais les structures de dialogue nécessaires permettent de l’éviter.» L’actuel modérateur de la Compagnie des pasteurs donne l’exemple de chrétiens qui voulaient accompagner à trente-cinq une fin de vie dans une petite chambre d’hôpital...
Omar Seck, lui, sort justement d’un rendez-vous où il a convaincu une patiente d’accepter qu’un gynécologue l’ausculte. «Je lui ai dit que quand un médecin se penche sur une patiente, il ne touche que la maladie, rien de plus.»
«La citoyenneté, c’est répondre aux besoins d’une communauté en favorisant le vivre-ensemble. C’est plus intelligent qu’une approche communautariste», commente Slim Slama, en référence à un projet d’EMS pour musulmans à Bâle.
La tâche est humainement exigeante, en particulier en ce qui concerne les cas psychiatriques. Omar Seck raconte: «Les djinns (esprits, ndlr) sont très présents dans certaines cultures populaires où l’on pense qu’un malade mental est encerclé par ces derniers. Un patient refusait de prendre ses médicaments, car Dieu le guérirait. Je lui ai dit qu’il avait aussi donné à l’homme la science et le goût de l’effort. Puis j’ai prononcé le nom de Dieu sur les médicaments.» Omar Seck n’est pas un djinn. Mais son pouvoir est grand. I

Une lente reconnaissance

«On s’est battu pendant dix ans pour cette carte», s’exclame le chef de clinique Slim Slama, en désignant le badge de légitimation que porte l’aumônier musulman Omar Seck. Car la reconnaissance officielle du service d’aumônerie musulmane a tardé – la méfiance envers l’islam née du terrorisme international n’y est pas étrangère, avance Slim Slama. En 2007, les HUG ont toutefois signé un accord avec l’Association de l’aumônerie musulmane fixant les règles de la collaboration. Mais jusqu’à l’obtention du badge officiel, les aumôniers avaient parfois le sentiment de forcer la porte de l’Hôpital. «Les gens se demandaient qui était ce grand barbu se promenant dans les couloirs», témoigne Slim Slama en parlant d’Omar Seck. Car si la loi autorise tout patient à recevoir la visite d’un conseiller spirituel – les sectes sont toutefois exclues –, seules les Eglises catholique et protestante disposent d’une aumônerie avec des locaux. Et, précédant les musulmans, les juifs et les grecs orthodoxes ont officialisé leur service d’aumônerie volante par une convention. L’Hôpital ne finance pas ces services, à la charge des Eglises ou des communautés.

Des dons, notamment du Centre culturel islamique des Eaux-Vives sont l’unique source de financement de l’aumônerie musulmane pour couvrir ses frais administratifs. A cela s’ajoute le don d’un particulier qui permet à l’aumônerie de distribuer des cadeaux à tous les patients de pédiatrie, quelle que soit leur religion, la dernière semaine du mois de Ramadan – il a débuté le 1er août. Le travail est totalement bénévole. «Un plein temps salarié ne serait pas de trop», commente Slim Slama. Mais pas en sacrifiant l’indépendance vis-à-vis des différentes institutions musulmanes du canton. «Nous voulons mettre en avant le service, pas une chapelle», précise le médecin.

L’aumônerie collabore toutefois étroitement avec la mosquée du Petit-Saconnex où sont effectués les rites funéraires. «Nous faisons le suivi depuis la maladie jusqu’au rapatriement du corps», explique Omar Seck. Ce qui implique parfois un travail de détective, lorsqu’il s’agit de requérants d’asile ayant dissimulé leur identité. En lien avec les ambassades et la police judiciaire, Omar Seck fait tout pour que le corps puisse être rendu à la famille. A Genève, si les musulmans sont bien représentés dans les organisations internationales, beaucoup le sont dans les couches sociales moins favorisées, commente Slim Slama. Si bien qu’il y a une demande pour étendre le service d’aumônerie au-delà de l’Hôpital – EMS, centres pour requérants d’asile, services sociaux –, mais les moyens manquent. Un aumônier musulman est en revanche présent à la prison de Champ-Dollon.

Photo : Jean-Patrick Di Silvestro

Texte : Rachad ARMANIOS, (Le Courrier- Genève)