Ont collaboré à ce numéro

 Am. Coly Seck
 Amb. Coy Seck
 Anne Cécile ROBERT
 ARCIV- UCAD
 DR. Soce FALL
 Min. Alain BERSET

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 Anne Cécile Robert avait écrit «L’Afrique au secours de l’Occident» (Payot, 2006) pour rendre hommage aux sociétés, cultures et civilisations africaines et souligner les injustices de notre «monde mondialisé». Le livre est réédité, en mars 2021, chez Les Éditions de l’Atelier, préfacé par Boubacar Boris Diop, avec une postface de Pierre Kipré. Le livre, revu et augmenté, analyse les nouveaux mécanismes qui étouffent la voix de l’Afrique comme les expéditions militaires (Libye), la lutte contre le terrorisme qui favorisent les kleptocraties et les marchands d’équipements de sécurité au détriment de véritables projets populaires de développement au service des peuples d’Afrique et décidés par eux. Pourquoi une réédition, 15 ans après ? 


 «L’Afrique au secours de l’Occident» s’appuyait sur deux constats : d’un côté, l’ignorance que les Occidentaux ont des sociétés et cultures africaines avec la persistance de préjugés dépréciatifs ; de l’autre côté, une forme de modestie et des complexes chez de nombreux Africains qui sous-estimaient les innombrables qualités et richesses de leurs cultures et sociétés. «15 ans plus tard, ces phénomènes persistent», tranche Anne Cécile Robert, professeur à Paris 8. Pire, on tente de le dissimuler par des mesures superficielles ou des opérations de communication qui ne changent rien au problème. «Ainsi, le G7 s’est élargi à des pays du Sud pour devenir le G20. Mais il s’agit de la cooptation souveraine par les grandes puissances de pays sélectionnés par elles selon leur bon vouloir. Par ailleurs, le président français Emmanuel Macron organise des réunions et des conférences avec des intellectuels africains qu’il a choisis lui-même et qui s’inscrivent dans son programme néolibéral», souligne la journaliste.

Les relations Europe-Afrique continuent de tourner autour de préoccupations extérieures : celles des Européens, des Occidentaux et aujourd’hui de la Chine. «Tout se passe comme si l’Afrique n’avait rien à apporter au reste du monde, mis à part ses immenses richesses minières (pillées par les multinationales) et la force de travail de ses travailleurs migrants. Tout se passe comme si l’Afrique n’avait pas de voix pour elle-même», argumente-t-elle et de dénoncer : «L’Occident se place toujours en donneur de leçon. Même l’aide humanitaire ou l’aide au développement, souvent indispensable, traduit un rapport structurellement inégal. Or, ce sont bien des institutions occidentales comme le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale qui organisent une division internationale du travail injuste rendant le continent africain dépendant de l’aide».

L’Afrique, une voix étouffée

Dans ses confidences avec «Le Soleil» de Dakar, Anne Cécile Robert martèle : «Le monde doit écouter et respecter l’Afrique». Elle souligne trois obstacles qui empêchent l’Afrique de se faire entendre. «Le premier réside dans les structures institutionnelles internationales dominées par les Occidentaux. Les institutions de Bretton Woods, qui détiennent les cordons de la bourse, demeurent entre les mains des Américains et des Européens depuis 1944. Même la puissante Chine a du mal à s’y faire une place ! Or, elles déterminent les politiques économiques et sociales de toute l’Afrique». Poursuivant, elle soutient que «le second tient aux habitudes culturelles qui accordent une prime aux civilisations occidentales. Les débats et échanges internationaux se structurent encore et toujours autour des préoccupations occidentales. Si la Chine vient mettre son grain de sel, les Africains restent en périphérie de la conversation et continuent de subir la marche du monde. C’est le poids de l’histoire mais aussi d’une certaine paresse intellectuelle. La fameuse «diversité culturelle», affichée dans les traités internationaux, demeure largement théorique. Quant au troisième obstacle, elle tient parfois, selon elle, «au comportement des élites africaines elles-mêmes qui ne croient pas en leurs propres cultures, qui se tournent spontanément vers les Occidentaux et se soumettent à leurs politiques ou leurs visions du monde».

Pour notre interlocutrice, ces élites africaines, notamment politiques, contribuent à dévaloriser leurs propres pays lorsqu’elles préfèrent envoyer leurs enfants étudier hors du continent africain au lieu de financer des systèmes d’éducation publique digne de ce nom. Il faut dire que les leaders africains panafricanistes sont parfois étouffés ou assassinés : Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Félix Moumié, Um Nyobé, etc. «La France devrait montrer l’exemple en respectant les choix des populations africaines et en abandonnant le soutien à des régimes autoritaires compradores et aussi en abandonnant le franc Cfa», martèle Anne Cécile Robert. Et d’ajouter : «Au lieu d’organiser des conférences internationales entre gens qui partagent les mêmes intérêts intellectuels et économiques, il faudrait accepter d’écouter le cœur battant des peuples d’Afrique qui manifestent courageusement leurs droits et leurs libertés.»

Mémoire, Histoire : le difficile et nécessaire chemin de la réconciliation

Au recours mémoriel, Anne Cécile Robert préfère le devoir d’histoire, pourquoi et comment cette posture peut-elle alors aider à l’amitié des peuples qu’elle appelle de tous ses vœux, notamment entre l’Afrique et la France ? «C’est une question difficile…», admet-elle, car «la mémoire est importante : il faut se souvenir des événements et de ceux qui les ont vécus, rendre hommage aux héros comme les fameux «tirailleurs sénégalais», reconnaître aussi les erreurs et les fautes. Mais il faut également comprendre et analyser. C’est le devoir d’histoire». Sinon, pense-t-elle, «on développe des visions passéistes, doloristes et caricaturales du passé, enfermant les uns dans le rôle sclérosant de victimes et les autres dans la posture écrasante de l’éternel coupable. Aucune relation fraternelle ne peut naître de ces visions émotionnelles et schématiques de l’histoire qui concernent souvent des gens morts depuis longtemps, comme les esclaves et leurs bourreaux. La Justice ne poursuit pas sur les enfants le crime des pères».  La journaliste rappelle, par ailleurs, que «l’histoire du continent africain n’a pas commencé avec l’arrivée des Blancs ! Cheikh Anta Diop montre bien comment les peuples du continent africain s’épanouissaient dans les sciences, l’art et la culture depuis des siècles sans attendre les Européens. Ils étaient même parfois bien en avance sur les Occidentaux ! Je pense par exemple aux royaumes du Moyen-âge africain dont les rois étaient soumis à des formes de partage de pouvoir très en avance sur les monarchies européennes ! Aujourd’hui, on appellerait ça la «bonne gouvernance ! ».

L’enseignement de l’histoire africaine en Afrique est un enjeu considérable comme l’ont souligné Joseph Ki-Zerbo et Amadou Hampâté Bâ. Les Africains auraient pourtant toutes les raisons de se montrer fiers de leur histoire. Malheureusement, beaucoup en ignorent souvent tout.